Par Souleymane Camara, Président du Réseau des Défenseurs des Droits Humains du Mali
DES JURIDICTIONS A COMPETENCE UNIVERSELLE COMME MOYENS DE RECOURS EXISTENT CONTRE LES AUTEURS, COMMANDITAIRES OU COMPLICES DE CRIMES INTERNATIONAUX
Le récent retrait des pays de l’Alliance des États du Sahel de la Cour Pénale Internationale est très préoccupant même s’il est en quelque sorte fondé à cause de son instrumentalisation avérée par des puissances occidentales.
En effet, cette juridiction à vocation universelle, issue du statut de Rome, n’a pas pu juger tous les crimes internationaux dont elle a eu connaissance.
Elle a même fait l’objet de sanctions américaines destinées à l’affaiblir ou à l’empêcher de juger des personnes recherchées, mais proches des Etats Unis d’Amérique.
La CPI a été taxée d’être une juridiction internationale sélective du fait de l’immixtion de puissances occidentales.
En outre, des mandats d’arrêts internationaux également émis par la CPI n’ont pas été exécutés par des Etats, pourtant, signataires du statut de Rome.
Avec la tendance actuelle et avec ce rythme soutenu de retrait des Etats du statut de Rome, la Cour Pénale Internationale risquerait à long terme de disparaitre.
Les fréquentes immixtions, les entraves à son bon fonctionnement ainsi que les nombreuses sanctions contre des juges de la CPI finiraient par la disloquer si ces mesures devraient perdurer.
Néanmoins des palliatifs existent, c’est à dire, la possibilité de saisine de la CPI par le Conseil de Sécurité de l’ONU nonobstant l’appartenance ou non des pays au statut de Rome.
Cependant il importe de souligner, que même, avec cette dernière hypothèse, on voit mal les pays membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, autoriser la saisine de la CPI contre leurs citoyens ou leurs alliés.
A côté de l’engagement des pays de l’Alliance des États du Sahel de mettre en place une juridiction spéciale de substitution subséquemment à leur retrait de la CPI et qui serait chargée de juger en lieu et place les crimes internationaux, existent ailleurs dans le monde des juridictions à competence universelle. Ce qui atteste que les possibilités de recours judiciaires existent pour les victimes de crimes, les plus graves.
En effet, en plus de la Cour Pénale Internationale, ces juridictions à compétence universelle constituent de solides garanties contre l’impunité à travers le monde.
Qu’est ce que la compétence universelle des juridictions ?
<La compétence universelle est un mécanisme exceptionnel en droit pénal qui permet de poursuivre un individu présumé coupable d’une violation grave du droit humanitaire indépendamment de sa nationalité et le lieu de commission du crime>.
Les juridictions à compétence universelle sont donc des tribunaux qui peuvent être institués dans n’importe quel pays. Ils en existent déjà dans certains pays afin de juger des crimes graves comme les crimes de guerre, les crimes de génocide et les crimes contre l’humanité, peu importe le lieu où les faits se sont déroulés ou la nationalité de l’auteur et des victimes.
C’est un principe qui permet de lutter contre l’impunité en garantissant que de tels crimes, qui portent atteinte à l’humanité entière, ne restent pas sans suite.
Les principes de base et de fonctionnement de ces tribunaux à compétence universelle ne se fondent pas sur les liens habituels (lieu du crime, nationalité des parties), la seule compétence universelle inscrite dans les législations nationales de ces pays permet de juger des affaires qui n’ont aucun lien territorial ou personnel avec l’État du tribunal.
L’objectif principal est de s’assurer que les auteurs des crimes les plus graves ne puissent pas échapper à la justice, même si leur pays d’origine ne les poursuit pas.
La mise en œuvre de cette compétence universelle des juridictions pour juger les crimes les plus graves est basée sur une obligation ou une possibilité pour des états de juger des ressortissants d’autres états incriminés.
A ce titre, des génocidaires rwandais en fuite ont été appréhendés, jugés puis condamnés en Europe.
Des dignitaires d’anciens régimes africains tels celui de Yaya Jammeh de la Gambie ont été appréhendés, jugés puis condamnés aux Etats Unis d’Amérique.
Leur seule présence sur le territoire de ces pays a suffi pour déclencher leur mise en accusation à cause des crimes commis dans leur pays d’origine.
Il importe aussi de souligner que l’Union Africaine a également pu mettre en place une juridiction spéciale pour juger l’ancien président tchadien Hussein Habré, qui s’était réfugié au Sénégal.
En outre, le protocole de Malabo dont la mise en œuvre est parrainé par l’Union Africaine permettrait aussi dès son entrée en vigueur de juger, après l’exercice de leur fonction, des chefs d’États et autres dirigeants africains qui auraient commis des crimes, les plus graves durant l’exercice de leurs fonction officielles.
Mais une reproche de taille est faite au protocole de Malabo, en ce sens qu’il ne permet pas d’appréhender et de juger des chefs d’États ou autres dirigeants africains en fonction. En définitive, il serait pratiquement impossible de juger les présidents à vie ou les dirigeants africains qui s’éterniseraient au pouvoir.
En tout état de cause, l’exercice ou la mise en œuvre de la compétence universelle des juridictions est salutaire même si des difficultés ou des défis peuvent apparaître. L’on peut citer entre autres les différences entre les définitions des crimes dans les lois nationales, les contextes complexes dans lesquels les crimes sont commis, et la possible nécessité d’une preuve de la présence du criminel sur le territoire.
En résumé, les juridictions à compétence universelle constituent un mécanisme exceptionnel permettant de juger des crimes d’une gravité extrême, en transcendant les frontières nationales, afin de garantir que l’impunité des auteurs de ces crimes ne soit pas possible.
CONCLUSION :
Nous vivons dans un monde considéré comme un village planétaire.
Mieux vaut s’abstenir de commettre des crimes internationaux notamment les crimes de guerre, les crimes de génocide et les crimes contre l’humanité…
L’appartenance ou non la Cour Pénale Internationale;
La mise en place ou non d’une juridiction pénale spéciale au Sahel ou de toute autre juridiction spéciale à l’échelle continentale à travers le protocole de Malabo ne peuvent en aucun cas entraver la possibilité pour les victimes de recourir au besoin aux juridictions à compétente universelle à travers le monde.
Les éventuels auteurs de crimes internationaux :
– crimes de guerre,
– crimes de génocide
– de crimes contre l’humanité pourraient être l’objet de mandats d’arrêts internationaux et de poursuites judiciaires en cas d’impunité au niveau national.
– Il n’a pas d’échappatoire pour les auteurs, commanditaires ou complices des crimes internationaux, il suffit seulement de saisir les tribunaux à compétence universelle.