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RDC : les droits humains au cœur d’une guerre sans fin dans l’Est du pays

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RDC : les droits humains au cœur d’une guerre sans fin dans l’Est du pays

Le M23, soutenu par le Rwanda, contrôle Goma et Bukavu tandis que d’autres groupes armés sévissent en Ituri, aggravant la crise humanitaire en RDC. Les accords de Washington et de Doha restent inefficaces face aux violations répétées du cessez-le-feu et à l’exploitation illégale des ressources. L’Union africaine a fusionné ses processus de médiation sous Faure Gnassingbé, mais Xia Huang, envoyé spécial de l’ONU, souligne que la paix dépend avant tout de la volonté politique des parties et d’un dialogue direct et effectif.

Alors que les combats redoublent d’intensité dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les appels à la paix peinent à se traduire en actes. Et pourtant le cessez-le-feu convenu n’est pas respecté. Sur le terrain, la violence s’enracine, nourrie par la méfiance entre les belligérants et l’absence d’un véritable mécanisme de suivi des engagements pris.

Né d’une mutinerie d’anciens rebelles intégrés dans l’armée congolaise, le Mouvement du 23 mars (M23) s’est imposé comme l’un des principaux acteurs du conflit dans l’est de la République démocratique du Congo. Selon plusieurs rapports onusiens, le groupe bénéficierait d’un soutien militaire et logistique du Rwanda, ce que Kigali dément. Début 2025, le M23 a mené une offensive d’envergure dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, s’emparant de Goma et contrôlant brièvement plusieurs quartiers de Bukavu, ce qui a profondément aggravé les tensions régionales. Ces combats ont provoqué le déplacement de centaines de milliers de civils et accentué une crise humanitaire déjà dramatique : dans les camps surpeuplés, les populations sont confrontées à des pénuries alimentaires, à la propagation de maladies et à des violences sexuelles, tandis que les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri demeurent dévastées par les affrontements entre groupes armés, milices locales et forces gouvernementales.

Diplomatie fragmentée et double discours
Face à cette crise, deux cadres diplomatiques coexistent mais peinent à produire des résultats tangibles. L’accord de Washington, signé sous médiation américaine le 27 juin 2025 entre la RDC et le Rwanda, prévoit des mécanismes de désarmement, de respect de l’intégrité territoriale et de désescalade des hostilités, ainsi que le retrait progressif des troupes étrangères et la création d’un mécanisme conjoint de sécurité. Cependant, le M23 n’en est pas partie signataire, limitant ainsi la portée de l’accord. De son côté, le processus de Doha, conduit par le Qatar et matérialisé par une déclaration de principes signée le 19 juillet 2025 entre la RDC et le M23, engage les deux parties à un cessez-le-feu permanent, à une supervision internationale et à des négociations vers un accord de paix global. Pourtant, la mise en œuvre reste incertaine : les violations du cessez-le-feu se multiplient et les mesures de confiance n’ont pas été appliquées dans les délais prévus. Cette diplomatie à deux vitesses, où les processus s’empilent sans se renforcer, met en évidence le fossé entre les engagements diplomatiques et la réalité du terrain — une paix durable ne pourra émerger qu’à travers un dialogue inclusif, sincère et coordonné entre toutes les parties prenantes.

Les droits humains, victimes collatérales d’un conflit oublié
Au-delà des bilans militaires, le conflit de l’est congolais est d’abord une tragédie humaine. Des centaines, voire des milliers, de civils ont été tués, des villages rasés, et des femmes victimes de violences sexuelles dans un climat d’impunité documenté. Les organisations humanitaires dénoncent des violations graves des droits humains commises par le M23, les Forces armées congolaises (FARDC), et d’autres groupes armés. On rapporte aussi des cas d’enfants enrôlés de force, qui symbolisent la faillite morale du conflit. L’exploitation illégale de ressources naturelles – notamment le coltan à Rubaya, et dans certains cas l’or ou le cobalt – alimente cette économie de guerre : les taxes et revenus issus du trafic sont utilisés pour financer les opérations de milices et d’acteurs transfrontaliers, prolongeant la souffrance des populations.

Une architecture de paix encore bancale
Face à la persistance de la crise, l’Union africaine (UA) a acté, lors de son sommet de février 2025, la fusion des cadres de médiation concurrents que sont le processus de Nairobi (dialogue avec les groupes armés) et le processus de Luanda (désescalade bilatérale RDC-Rwanda). Cette nouvelle architecture unifiée est désormais placée sous l’égide du président togolais Faure Gnassingbé, désigné comme médiateur unique de l’UA. Son mandat est de faciliter un dialogue politique inclusif et de superviser l’application des résolutions de cessez-le-feu. Si cette rationalisation vise à mettre fin à la dispersion diplomatique, son efficacité reste à démontrer. À ce jour, l’absence de mécanisme de contrôle robuste et de protocole de sanctions contraignantes laisse planer le doute sur sa capacité à imposer une solution durable, risquant de réduire ces efforts à un exercice principalement symbolique face à la complexité du terrain et aux intérêts divergents des parties prenantes.

Entre guerre de position et guerre économique
Le conflit de l’est congolais repose sur un double enjeu : sécuritaire et économique. D’un point de vue technique, la persistance de la guerre s’explique par la fragmentation des acteurs armés, la faiblesse institutionnelle de l’État congolais, et la compétition régionale autour des ressources stratégiques. La militarisation des zones minières empêche toute stabilisation durable, tandis que la multiplicité des médiations dilue la cohérence diplomatique.

Sans intégration des mécanismes de gouvernance des ressources naturelles aux négociations de paix, aucune solution ne peut être pérenne.

Face à cette situation, l’ADH a formulé plusieurs recommandations visant à contribuer à la sortie de la crise:
1. Mettre en œuvre un cessez-le-feu vérifiable sous supervision conjointe de l’ONU, de l’UA et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).
2. Inclure le M23 et les autres groupes armés dans un processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) encadré par des observateurs indépendants.
3. Renforcer la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles en imposant une traçabilité régionale obligatoire pour l’or, le coltan et le cobalt.
4. Soutenir la justice transitionnelle et la documentation des crimes de guerre, afin que les violations des droits humains ne restent pas impunies.
5. Favoriser le retour de l’autorité de l’État par le redéploiement progressif des institutions civiles (justice, santé, éducation) dans les zones libérées.

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